Suis-je habité par le désir de désirer pardonner ?
24° dimanche T.O. (A)
Mt. 15, 21-35
Le pardon appartient à notre devenir existentiel. Comment vivre ensemble, quand on connaît la faiblesse humaine, sa propre fragilité, quand nous sommes si différents, opposés souvent sur des points qui créent le désaccord, la mésentente, la discorde et la division sans y avoir recours ? Sans doute avons-nous remarqué que Jésus y revient souvent depuis plusieurs dimanches dans l’évangile de Matthieu. Il ne s’agit pas de répétition ou d’insistance qui voudraient nous accabler. C’est un appel réitéré parce qu’il sait que l’humanité ne peut se construire, et sortir de son animalité que par le pardon.
La vie entre nous dépend du pardon. Sans le pardon, la violence règne. Nous le voyons à tous les niveaux. Dans nos communautés monastiques, nous prenons chaque soir ou plusieurs fois par semaine, un temps pour nous demander pardon mutuellement pour ce qui a pu blesser la charité, la fraternité. Très beau moment de vérité qui construit notre vivre – ensemble et permet de poursuivre la route ! Ceux et celles qui le vivent peuvent en témoigner ! Nous savons par ailleurs, de leur propre aveu, que cela se vit en famille, en couple.
Convenons que ce n’est pas facile. Mais le combat intérieur qui nous engage le plus, n’est-ce pas celui qui est aussi le plus ardu ? Les difficultés, ne sont-elles pas nos tremplins pour avancer ?
Évidemment, dans ce contexte, la question calculée de Pierre dans l’évangile donne un peu à sourire. Et la réponse de Jésus aussi. Pas de calcul dans le pardon. Chaque fois qu’il est nécessaire donnons-le et recevons-le. Maurice Bellet peut nous éclairer et nous aider, car pardonner c’est aimer : « Il arrive à certains de ne goûter que l’absence et l’épreuve. Si quelqu’un se trouve alors sans Dieu, sans pensée, sans images, sans mots, reste du moins pour lui ce lieu de vérité : aimer son frère qu’il voit. S’il ne parvient pas à aimer, parce qu’il est noué dans sa détresse, seul, amer, affolé, reste du moins ceci : désirer l’amour. Et si même ce désir lui est inaccessible, à cause de la tristesse et la cruauté où il est comme englouti, reste encore qu’il peut désirer de désirer l’amour. Et il se peut que ce désir humilié, justement parce qu’il a perdu toute prétention, touche le cœur du cœur de la divine tendresse. Ce n’est pas sur ce que tu as été ni sur ce que tu es que te juge la miséricorde, c’est sur ce que tu as désir d’être ».
Autrement dit : pardonner à telle personne, je ne le peux pas. C’est au-delà de mes forces. Nous l’avons pensé ainsi parfois ou en avons eu la confidence. Et c’est vrai dans bien des cas.
Mais au moins ai-je le désir de désirer pardonner ? C’est déjà beaucoup.
Ouvrir un espace comme on ouvre un fruit dont on devine la saveur !